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Résumé : le prestataire de services de paiement ne peut contre-passer une écriture sur le compte de son client sans son autorisation, même si l’écriture initiale correspond à un paiement indu.
Cass. com., 24 nov. 2021, no 20-10.044, publié au Bull.
Mots-clés : prestataire de services de paiement — opération de paiement non autorisée — fraude
Thèmes : Opérations de paiement — banque
Commentaire : la société Figaro M. a ouvert un compte auprès de la Société Générale. En 2012, ce compte a été crédité d’une somme de 6.300 euros en exécution d’un virement émis depuis un compte ouvert dans les livres de la société HSBC et dont le titulaire est un certain M. X. Ce dernier s’estimant victime d’une fraude a contesté avoir autorisé le paiement et obtenu de la part de la société HSBC le remboursement des sommes virées. La société HSBC a par la suite à son tour exigé de la Société Générale qu’elle lui rembourse les 6.300 euros litigieux. La Société Générale s’est exécutée puis a opéré une contre-passation d’écriture sur le compte de la société Figaro M., malgré son opposition. La société Figaro M. a alors assigné la Société Générale en remboursement des sommes débitées de son compte. La cour d’appel ayant débouté la société Figaro M. de ses prétentions, celle-ci s’est pourvue en cassation.
À l’appui de son moyen, l’auteur du pourvoi fait valoir que la banque qui, sans autorisation, débite le compte de son client qui aurait reçu un paiement indu réalise une opération de paiement non autorisée, l’obligeant à restitution. En refusant de condamner la Société Générale à rétablir le compte de sa cliente, la cour d’appel aurait violé les articles 1937 du Code civil, L. 133-7 et L. 133-18 du Code monétaire et financier. L’article 1937, propre au contrat de dépôt, impose au dépositaire de ne restituer la chose déposée qu’à celui qui la lui a confiée. L’article L. 133-7 du Code monétaire et financier affirme quant à lui que le paiement réalisé sans consentement du payeur est réputé non autorisé. Enfin, l’article L. 133-18 du même code ajoute que l’opération de paiement non autorisée doit être immédiatement remboursée par le prestataire de services de paiement.
Le prestataire de services de paiement qui contre-passe l’écriture du compte de son client, en dépit de l’opposition de celui-ci, au motif que l’opération sous-jacente était frauduleuse doit-il restituer à son client les sommes litigieuses ?
Au double visa des articles 1937 du Code civil et L. 133-18 du Code monétaire et financier, la Cour affirme que sauf stipulations contractuelles contraires, lorsque le montant d’un virement a été remboursé au payeur par son prestataire de services de paiement en application de l’article L. 133-18 du Code monétaire et financier, serait-ce en raison de l’existence d’une fraude, le prestataire de services de paiement du bénéficiaire, s’il a déjà inscrit le montant de ce virement au crédit du compte de son client, ne peut contre-passer l’opération sur le compte de celui-ci sans son autorisation, quand bien même il aurait lui-même restitué le montant du virement au prestataire de services de paiement du payeur.
Or en l’espèce, pour rejeter la demande de la société Figaro M., l’arrêt retient, d’abord, que la Société Générale justifie du caractère frauduleux de l’ordre de virement qui, à défaut d’émaner du titulaire du compte émetteur, n’a pu donner un caractère irrévocable au droit de la société Figaro M. sur le montant des fonds encaissés et inscrits au crédit de son compte et, ensuite, que la société Figaro M. ne démontrant l’existence d’aucun lien d’obligation entre elle et le payeur, le virement était dépourvu de fondement, ce qui autorisait la Société Générale à contre-passer l’opération sur le compte de sa cliente, malgré l’opposition de celle-ci, au titre de la répétition de l’indu. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
L’arrêt sous commentaire est particulièrement pédagogue. Il rappelle l’autonomie du droit des instruments de paiement par rapport aux opérations juridiques sous-jacentes. Pour mémoire, un instrument de paiement permet de réaliser des opérations de paiement définies par l’article L. 133-3, I comme « une action consistant à verser, transférer ou retirer des fonds, indépendamment de toute obligation sous-jacente entre le payeur et le bénéficiaire, initiée par le payeur, ou pour son compte, ou par le bénéficiaire. » C’est dire que la notion de « paiement » retenue par le Code monétaire et financier est plus large que celle adoptée par le Code civil à l’article 1235 : « tout paiement suppose une dette : ce qui a été payé sans être dû, est sujet à répétition. » C’est pourquoi le droit des opérations de paiement emploie un vocabulaire propre avec lequel il faut se familiariser. Il y a, d’une part, un payeur (celui d’où proviennent les fonds qui circulent), d’autre part, un bénéficiaire (celui qui reçoit les sommes et qui peut se confondre avec le payeur) et, enfin, un (ou plusieurs) prestataire de service de paiement qui réalise la circulation des fonds. Ce prestataire est un établissement de crédit, un établissement de paiement ou encore, le cas échéant, un établissement de monnaie électronique.
Le virement est l’un de ces instruments paiement. Il permet de transférer de la monnaie scripturale d’un compte à un autre. Les sommes virées du compte du payeur — par l’intermédiaire de son prestataire de services de paiement — sont alors réceptionnées par le prestataire de services de paiement du bénéficiaire qui crédite ensuite le compte de son client. Selon la Cour, le virement vaut paiement – sens du droit des obligations — « dès la réception des fonds par le banquier du bénéficiaire qui les détient pour le compte de son client » (Cass. com., 3 févr. 2009, n° 06-21.184). L’inscription au crédit du compte du bénéficiaire ne constitue alors qu’une régularisation comptable du dénouement de l’opération (Cass. com., 18 sept. 2007, n° 06-14.161).
Selon l’article L. 133-6 du Code monétaire et financier, « une opération de paiement est autorisée si le payeur a donné son consentement à son exécution. » Les instruments de paiement ne dérogent pas au droit commun des contrats dans la mesure où un ordre de paiement donné sans le consentement du payeur n’est pas valable. En ce sens, l’article L. 133-7, alinéa 3, du Code monétaire et financier rappelle qu’en « l’absence d’un tel consentement, l’opération ou la série d’opérations de paiement est réputée non autorisée. » Or, l’opération de paiement non autorisée peut être contestée et justifie l’engagement la responsabilité du prestataire de services de paiement (CMF, art. L. 133-18). Toute opération de paiement non autorisée par le payeur doit être remboursée par son prestataire de services de paiement.
En l’espèce, l’arrêt d’appel censuré estimait qu’une telle autorisation n’était pas requise dans la mesure où l’opération sous-jacente était frauduleuse. Le paiement initial en faveur de la société Figaro étant frauduleux, le prestataire de services de paiement du payeur a remboursé son client avant d’obtenir à son tour remboursement de la part la Société Générale. Cette dernière pensait alors pouvoir se faire justice en contre-passant l’écriture litigieuse sur le compte de son client, bénéficiaire du paiement initial. Mais une telle contre-passation s’analyse comme un nouveau paiement dont le payeur n’est autre que M. X, client de la Société Générale. Or celui-ci n’a pas autorisé la Société Générale à procéder à une telle opération et s’y est même opposé. En passant outre la résistance de son client, la Société Générale a commis une faute. Certes, les sommes payées entre les mains du client de la Société Générale étaient vraisemblablement indues, mais cela n’autorisait pas pour autant la Société Générale, en sa qualité de prestataire de services, à s’indemniser. La résistance de son client imposait au prestataire de services de paiement de le poursuivre en remboursement des sommes litigieuses. Plus précisément, au fond, la Société Générale pourrait faire valoir que son client s’est injustement enrichi à son détriment.
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