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Cass. com., 30 juin 2021, no 20-18.759, publié au Bull.
Mots-clés : dessaisissement – liquidation judiciaire – ordre de virement – instruments de paiement
Thèmes : droit bancaire – procédures collectives
Commentaire : une société est placée en liquidation judiciaire. Sa banque clôture le compte et remet le solde créditeur au liquidateur. Ce dernier assigne la banque pour voir déclarer inopposables à la procédure des virements réalisés après la mise en liquidation judiciaire de la société débitrice et voir la banque condamnée à rembourser ces sommes.
Les opérations litigieuses sont des ordres de virements qui ont été donnés par la société avant sa mise en liquidation judiciaire et qui ont été exécutés par la banque postérieurement.
La cour d’appel déclare ces opérations inopposables à la procédure et condamne la banque à rétablir les écritures litigieuses. Elle estime que le paiement a eu lieu alors que le débiteur était déjà dessaisi du fait de sa mise en liquidation judiciaire. Il est vrai qu’une jurisprudence constante affirme que la date du paiement d’un virement est celle de « la réception des fonds par le banquier du bénéficiaire qui les détient pour le compte de son client » (Cass. com., 3 févr. 2009, n° 06-21.184). Pour la cour d’appel, le paiement réalisé après l’ouverture de la liquidation judiciaire est inopposable à la procédure.
La banque se pourvoit en cassation et fait habilement valoir qu’un ordre de virement est irrévocable et son bénéficiaire acquiert un droit définitif sur les fonds, assimilable à un paiement, dès que cet ordre est reçu par le prestataire de services de paiement. L’article L. 133-8 du Code monétaire et financier est en ce sens puisqu’il affirme que l’utilisateur de services de paiement « ne peut révoquer un ordre de paiement une fois qu’il a été reçu par le prestataire de services de paiement du payeur ». Autrement dit, l’ordre de paiement reçu par le prestataire de services de paiement est irrévocable et donnera lieu à paiement dès lors qu’il est reçu avant le dessaisissement du débiteur. Le paiement qui en découle est donc nécessairement opposable à la procédure.
Pour déterminer si un paiement réalisé par virement après l’ouverture d’une liquidation est opposable à la procédure, faut-il retenir la date de réalisation effective du paiement ou bien la date d’irrévocabilité de l’ordre ?
L’arrêt d’appel est censuré. Au double visa des articles L. 641-9 du code de commerce (principe de dessaisissement du débiteur) et L. 133-6 du code monétaire et financier (une opération de paiement est autorisée si le payeur a donné son consentement à son exécution), la Cour de cassation indique que « le jugement qui prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens et interdiction de tout règlement, les actes de disposition effectués postérieurement à ce jugement étant inopposables à la procédure collective. Il résulte du second qu’une opération de paiement est autorisée si le payeur a donné son consentement à son exécution et qu’ainsi, l’émetteur d’un ordre de paiement dispose des fonds dès la date à laquelle il consent à cette opération ».
La Cour de cassation ne retient ni le critère proposé par la cour d’appel ni celui suggéré par la banque. De manière originale, elle affirme qu’il faut s’en tenir à la date à laquelle l’ordre est donné. Si, à cette date, le débiteur n’est pas encore dessaisi, alors le paiement, même s’il est réalisé après la mise en liquidation judiciaire du débiteur, est opposable à la procédure. Il faut donc scruter si, au moment où l’ordre est donné, le débiteur dispose encore librement des fonds sur son compte.
La solution est favorable aux banques qui sont protégées soit par le consentement du débiteur soit par le caractère irrévocable de l’ordre. À la lumière de cet arrêt, on doit considérer que la banque est fondée à payer, après la liquidation judiciaire, les ordres de virement ainsi que les prélèvements programmés par son client avant son dessaisissement. Il incombe donc au liquidateur fraichement nommé de faire savoir à la banque qu’il retire le consentement du débiteur à tous les ordres de paiement donnés n’ayant pas encore acquis un caractère d’irrévocabilité.